Mapoésie, chant l
C’est une Amazonie abstraite. Une forêt de signes impénétrable où motifs et couleurs s’appellent et se provoquent, se frôlent et s’entrechoquent, mais finissent toujours par s’envoler dans la douceur d’un voile de coton, d’une laine ou d’une soie.
A sa lisière, brodé sur l’étiquette, claque ce nom : Mapoésie. Le titre d’un manifeste ? Oui, mais plus encore peut-être celui d’une épopée graphique qu’Elsa Poux écrit seule, ou avec la complicité de quelques artistes invités, depuis 2010.
A la manière des récits imbriqués de l’Antiquité, cette créatrice formée à l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs de Paris y enchevêtre les motifs d’une mythologie toute personnelle, inspirée par les cultures ethniques et les savoir-faire artisanaux.
Elsa Poux revient, saison après saison, sur des éléments qu’elle a prélevés ici dans la parure d’un roi africain Kuba, là sur la carte d’un ciel maya, pour les interpréter et les épuiser jusqu’à la trame. De ce long travail d’épure est né un répertoire unique de formes contemporaines et métissées dont elle se plaît à mixer les codes et les secrets. Qu’elles s’électrisent au contact d’un jaune acide ou se laissent surprendre par la caresse d’un rose poudré, ses infinies variations de trames colorées dont les héritières d’une reine de l’abstraction : Sonia Delaunay. L’artiste russe, connue pour ses recherches avant-gardistes sur les rythmes et les couleurs, déclarait déjà en 1923 que ses dessins de tissus simultanés étaient tout autant « des poésies » que « l’expression d’états d’âme » et « la base essentielle de (sa) peinture ».
Près d’un siècle plus tard, Elsa Poux ne dit pas autre chose, elle qui a su imposer rapidement un style très personnel et une identité graphique forte dont la modernité n’exclut aucune référence à une tradition lointaine ou ancienne. Bien au contraire. Ainsi Elsa Poux a-t-elle choisi, par exemple, de faire imprimer aux cadres ses créations. Une technique artisanale par laquelle formes et trames apparaissent et se composent patiemment, couleur après couleur, à chaque passage de cadre... Mapoésie s’est déclinée dans l’univers de la maison, du bain et plus récemment du prêt-à-porter.